Dans le cadre du 17e festival du film francophone à Angoulême en l’honneur du Royaume du Maroc, pays invité.
L’Ordre des Avocats du Barreau de la Charente a organisé une conférence débat sur le thème « L’émancipation des femmes au Maroc, un nouveau droit pour la famille ? »
Animée par Nicolas BASTUCK, journaliste spécialiste des questions judicaires au Point.
Cette conférence est inspirée du film « Everybody loves Touda » en présence de Nisrin ERRADI comédienne du film, Nabil AYOUCH, réalisateur de ce film et de nombreux autres sur le MAROC, Elodie MULLON avocate au barreau de Paris, spécialiste en droit de la famille et Pierre VERMEREN Professeur à l’Université Panthéon Sorbonne sur les questions du Maghreb.
Le synopsis du film : Touda rêve de devenir une Cheikha, une artiste traditionnelle marocaine qui chante sans pudeur ni censure des textes de résistance, d’amour et d’émancipation, transmis depuis des générations. Se produisant tous les soirs dans les bars de sa petite ville de province sous le regard des hommes. Touda nourrit l’espoir d’un avenir meilleur pour elle et pour son fils handicapé sourd et muet.
Maltraitée et humiliée, elle décide de tout quitter pour les lumières de Casablanca.
Ce film traite de l’émancipation difficile de la femme marocaine et du choc de la ruralité.
Les Cheikhates sont des héroïnes en rébellion contre tous les pouvoirs établis, leur chant, la Aïta est une forme de poésie chantée, née il y a plusieurs siècles.
A l’origine, ce chant était porté par des hommes car les femmes n’avaient pas le droit de chanter. Les membres d’une tribu se regroupaient le soir et écrivaient des histoires relatives à leurs combats et leur région. Ces chants traversaient le pays d’une vallée à une autre.
Au 19e siècle, une femme courageuse, Kharboucha décida de briser les interdits et, pour la première fois, de chanter en public.
Cette femme est restée célèbre car elle a affronté le seigneur au pouvoir qui était tombé amoureux d’elle. Elle lui a résisté et la légende raconte qu’il l’a emmurée vivante.
Grâce à elle, cet art est devenu féminin et le répertoire est devenu plus subversif en évoquant le désir, le corps et l’amour.
Les libertés qu’elles s’octroyaient ont rapidement fait d’elles des femmes avant-gardistes.
Elles ont d’abord chanté dans les villages et l’Aïta a voyagé des plaines vers les montagnes de l’Atlas.
Dans les années 70, les campagnes étaient pauvres, elles ont dû se déplacer dans les villes et se produire dans les bars et cabarets.
Petit à petit leur image s’est dégradée et associée à des prostituées. Leur statut est très paradoxal, à la fois admiré et adulé par le peuple Marocain mais écrasé par une société patriarcale qui voudrait leur dicter leur répertoire, les domestiquer et en faire des marchandises.
Ce film montre tout le paradoxe de la société Marocaine en lien avec le lancement pour l’amendement du Nouveau code de la famille « la Moudawana » qui est en gestation et initié par le roi Mohammed VI.
Le Maroc est partagé entre les progressistes qui veulent faire avancer les lois, réviser le code de la famille, revoir la place de la femme et les conservateurs qui rejettent tout progrès et toute émancipation féminine.
Vingt ans après la refonte du code la famille en 2004, jugée progressiste mais insuffisante, les militantes des droits des femmes au Maroc placent leurs espoirs dans la nouvelle réforme pour surmonter les injustices et discriminations à l’égard des femmes.
Une réforme à laquelle s’opposent les partis islamistes.
Ce nouveau code prône l’égalité dans l’héritage, dans la tutelle des enfants -y compris en cas de divorce- et interdiction totale du mariage des mineures, dispositions qui sont les principales revendications des associations de défense des droits des femmes marocaines.
Le mariage des mineures est l’une des questions les plus controversées. La « Moudawana » a porté à 18 ans au lieu de 15 l’âge légal du mariage des femmes.
Des dérogations sont possibles avec une autorisation judiciaire exceptionnelle, mais près de 85 % des 20 000 demandes présentées ont été approuvées dans les faits en 2022. Il en de même pour la polygamie.
Le droit de tutelle des enfants est aussi un point problématique notamment en cas de divorce.
Une mère divorcée a besoin impérativement de l’accord de son ex- conjoint pour les plus simples démarches administratives liées à l’enfant.
En cas de remariage le père conserve la garde de l’enfant alors que pour les femmes, elles se la voient refuser.
En matière d’héritage, la femme n’a le droit qu’à la moitié de ce qu’hérite l’homme, conformément à une interprétation rigoriste du coran.
Ce film et les associations féminines du Maroc aideront peut-être les mentalités à évoluer plus rapidement.
Alexandra ROUGEREAU – Membre du CNFF délégation de La Charente